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loicbarriere
13 octobre 2007

Comment garder l'élan et pourquoi j'ai changé mon titre

J’entendais Patrick Modiano, l’autre jour, expliquer à Guillaume Durand que le plus difficile pour un écrivain était de maintenir l’élan qui l’avait incité à entamer l’écriture d’un nouveau roman. Il ajoutait qu’il fallait se forcer à écrire, comme si l’enthousiasme initial était toujours là. Je souscris entièrement à cette remarque. Des idées de romans me traversent toute la journée, dans les lieux les plus divers : dans le RER, sous la douche, lors de mes promenades au bord du lac proche de mon appartement. Mais tous ces jaillissements n’aboutiront pas un livre. Certaines de ces idées s’étiolent dès que je les ai notées dans mon carnet. Des projets de roman meurent si j’ai le malheur de les exposer à des amis. Mes carnets sont remplis de livres tués dans l’œuf par l’inappétence, l’oubli, le temps qui passe. L’écrivain est perpétuellement confronté à mille directions possibles. Ecrire un livre, c’est renoncer à dix autres livres. 

Cela fait près de deux ans que je tâtonne, en écrivant des débuts de roman, des nouvelles, rien qui ne vaille la peine d’être développé. C’est que je tâche de ne jamais oublier les conseils d’un ami écrivain que je résumerais ainsi : « l’acte d’écrire doit être un enjeu vital ; n’écris pas si tu peux encore vivre sans avoir écrit ce livre. » Ayant cette idée à l’esprit, je me refuse à pisser de la copie, à ne publier que pour allonger la liste « du même auteur ». Chaque livre doit avoir un écho particulier dans ma vie, être le reflet d’un vécu ou d’émotions ressenties. Se dire, à chaque fois : « Et si c’était le dernier livre ? Et si on ne devait retenir que cela de mon travail d’écrivain ? » Mes livres doivent répondre à une nécessité intérieure. Tant de romans, pourtant bien léchés, me tombent des mains, parce que fabriqués, publiés sans réelle nécessité.

Alors, comment concilier cette sincérité dans l’écriture et la perte de l’élan vital, qui survient quand on se lance dans un travail de longue haleine ? La remarque de Patrick Modiano est très juste. Il faut faire comme si. Se forcer un peu. Tenter de surprendre soi-même en empruntant des chemins obscurs, en se laissant entraîner par ses personnages vers des rivages inconnus. Il faut accepter l’idée que le résultat, après un an ou deux de travail, ne ressemble rien à ce que l’on avait prévu. Il suffit parfois d’un personnage nouveau, d’un épisode inattendu pour relancer toute la passion. Dans Le Chœur des enfants khmers (j’expliquerai après pourquoi j’ai modifié le titre), tout mon projet a été modifié (et donc revitalisé) quand le grand-père du personnage principal est mort. Rotha, un Khmer d’une trentaine d’années, décide de retourner au Cambodge avec les cendres de son aïeul. A l’origine, je me contentais de raconter l’enfance de Rotha au temps des Khmers rouges. La mort du grand-père a radicalement transformé mon projet : j’avais désormais envie de parler de cette communauté de réfugiés khmers qui se retournait, vingt-cinq après, sur son douloureux passé. Ce n’était plus un simple livre de témoignage, mais une réflexion sur l’exil et sur le génocide. J’espère que c’est réussi.

Si je ne suis pas parvenu à écrire un quatrième livre depuis la remise du manuscrit du Chœur des enfants khmers, c’est sûrement parce que je fais partie de ces auteurs incapables de passer autre chose tant que le livre n’est pas officiellement publié. J’ai besoin, aussi, de me nourrir d’expériences, de sensations, d’histoires. Aujourd’hui (13 octobre 2007), je crois avoir trouvé la matière de mon prochain roman. Je ne veux pas donner trop d’explications de peur de briser mon élan. Disons seulement que ce livre, si j’ai la force de l’achever, donnera à voir les différentes histoires que j’ai imaginées ces dernières années, avec un dénominateur commun : le lieu, unique, où elles se dérouleront.

Un dernier mot sur le changement de titre… La semaine dernière, je découvre qu’un livre récemment publié par un auteur congolais, aux éditions Actes Sud, s’intitule « Le cœur des enfants léopards ». Impossible, dans ces conditions, de maintenir mon titre initial : « Le cœur des enfants khmers ». Mon éditeur a accepté sans problème que je le rebaptise « Le chœur des enfants khmers », qui est en fait un titre encore plus en adéquation avec mon livre, puisqu’il donne à entendre les voix de différents enfants du Cambodge. 

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Commentaires
J
Il va donc falloir que j'attende encore quelques mois pour le découvrir mais je suis content de voir que celui-ci va voir le jour.<br /> J'ai pensé à toi hier en reprenant le précédent et je me suis demandé où en était ton projet sur le Cambodge et c'est comme ça que je suis tombé sur tes blogs...<br /> Donne de tes nouvelles...<br /> du Maroc ou de France, <br /> cela n'a pas d'importance !<br /> jlb
S
le choeur des enfants khmers, j'aime bien ce titre. te voilà bien loin du maroc qui t'a inspiré tes deux précédents romans. j'attend donc celui là avec intérêt, tant le cambodge me reste mystérieux. soumya.
loicbarriere
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