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loicbarriere
29 juin 2008

Un article dans l'Huma (28 juin 2008)

Un très grand merci à Rosa Moussaoui de l’Humanité pour ce très bel article paru le 28 juin 2008 dans l’Huma.

Retour sensible sur l’histoire de la tragédie cambodgienne et sur sa mémoire étouffée

Le Choeur des enfants khmers, de Loïc Barrière. Éditions du Seuil, 2008, 208 pages, 17 euros.

Interdiction formelle de savourer un fruit, d’aimer, de posséder une fleur. Sous peine de mort. Dans cette fiction librement inspirée des souvenirs de Rotha, un jeune réfugié cambodgien établi en France, Loïc Barrière, journaliste politique à Radio Orient, reconstitue la longue nuit qui s’abattit sur le Cambodge après la prise du pouvoir par les Khmers rouges en 1975.

À la faveur d’un retour au pays natal pour disperser les cendres d’un aïeul, Rotha se remémore les « camps de paille et de larmes » où près d’un quart de la population fut décimée, succombant à la famine, à la maladie, au travail forcé, aux exécutions… Obscures réminiscences enfantines que ce hurlement lugubre d’une femme apprenant la mort d’un être cher ou cette peur d’être piétiné dans le chaos provoqué par la fuite des tortionnaires mis en déroute par l’armée vietnamienne. Des visions de cauchemar que Rotha confie, au long de son pèlerinage, à un ami khmer adopté par une Française.27Enfants

De la « coopérative » de Krouh - en fait, un camp de travail - à la fuite clandestine vers la Thaïlande sur des routes jonchées de cadavres pour rejoindre les camps de réfugiés de l’UNHCR, le livre retrace avec pudeur le quotidien de peur, d’angoisse et de misère d’un enfant dans ce désastre. De retour sur les lieux de la tragédie, trente ans plus tard, les deux jeunes adultes prennent la mesure de la chape de plomb qui s’est abattue sur le génocide dans ce pays toujours traumatisé, alors même que doit s’ouvrir le procès des tortionnaires encore vivants. Particulièrement éprouvante, la description du lycée Tuol Sleng où l’arbitraire et l’horreur de « l’an zéro » décrété par le régime de Pol Pot atteignirent leur paroxysme.

Le pays ressemble alors, écrit l’auteur, « à une immense prison dont les gardiens sont des adolescents fanatisés ». Des enfants manipulés par « un régime qui a fait du massacre systématique le moyen de parvenir à une société idéale ».

Au-delà de l’évocation même de la tragédie cambodgienne, ce roman porte sur la transmission, sur la mémoire, sur les dégâts individuels et collectifs de l’oubli dans un pays où la participation aux cercles du pouvoir a garanti l’impunité aux anciens dignitaires du régime khmer rouge reconvertis.

« Le Cambodge d’aujourd’hui est l’enfant du génocide, expose Loïc Barrière. Le souvenir des atrocités continue de meurtrir les survivants, qui ont transmis leur traumatisme aux nouvelles générations dans le silence et le non-dit. » L’ouvrage est aussi un bouleversant témoignage sur les réfugiés khmers et leurs enfants, déchirés entre le pays d’accueil et l’attachement à cette culture d’origine dont les Khmers rouges entendaient faire table rase pour faire émerger « l’homme nouveau ». Ce livre sobre et sensible sonne, à leur endroit, comme un hommage.

Rosa Moussaoui

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